Entendre parler de finance islamique au sein des plus hautes sphères du pouvoir européen était encore inimaginable il y a quinze ans. A présent, cette « nouvelle » forme de finance suscite un intérêt grandissant et affiche un taux de croissance à deux chiffres. Exploit assez rare pour le souligner dans ces temps où l’austérité est plutôt en haut de l’affiche.
Les actifs sous gestions sont estimés à environ 2’000 milliards de dollars, ce qui peut paraître faible face aux 100’000 milliards de dollars de la finance conventionnelle. Malgré cette situation qui pourrait être défavorable, les initiatives dans le secteur ne manquent pas, que ce soit de la part d’acteurs privés (banques, fonds d’investissements) ou d’acteurs publics (gouvernements, banques centrales). Si la finance islamique tend à se démocratiser, force est de constater que ses sources et principes ne sont pas totalement limpides pour le grand public.
Le droit musulman (fiqh) comme son nom l’indique est issu de l’Islam, ce qui le définit en tant que « jus divinum ». Sa première source est le Coran, livre sacré de l’Islam pour les musulmans, composé de chapitres (Sourates) et de versets (Ayat) qui ont une portée soit dogmatique, soit juridique, morale ou mixte.
La seconde source est issue de la tradition prophétique de Muhammad (le dernier et plus important prophète de l’Islam). La Sounna, compilant l’ensemble de ses actes, ses paroles et ses approbations. Le Coran et la Sounna ont des rapports spécifiques qui peuvent être confirmatifs (vues identiques), explicatifs, ou complémentaires.
Au-delà de ces sources primaires, il existe des sources complémentaires comme l’istihsan qui signifie « préférence » et qui est utilisée par des juristes en droit islamique pour exprimer leur préférence pour un jugement rendu.
L’ijtihad ou effort de réflexion est une autre source qui est une interprétation de problèmes dont la solution n’est pas spécifiquement précisée dans le Coran, la Sounna ou par l’ijma (le consensus doctorum). L’ijtihad est dévolu aux seuls savants qui ont des connaissances solides des textes de l’Islam.
Certaines coutumes (urf) pré-islamiques ont pu être intégrées dans le droit musulman lorsque celles-ci ont été jugé compatibles. La coutume est donc une source de droit secondaire qui peut être acceptée lorsqu’un problème n’est pas adressé par les autres sources.
Dernière source complémentaire, les lois des autres religions monothéistes qui sont citées dans le Coran et la Sounna de Muhammad.
La finance islamique est une industrie financière dont les produits et les transactions sont conformes au droit islamique qui peut être structuré de différentes façons selon les courants de pensée. On reconnaît cependant cinq grands principes :
- L’interdiction de riba (dont la forme la plus connue est l’intérêt issu des flux financiers), qui correspond à de l’usure principalement sur le prêt à intérêts.
- L’interdiction de la spéculation douteuse et hasardeuse : les transactions impliquant le hasard (maysir) et le risque excessif dû à l’incertitude (gharar) ne sont pas autorisées.
- L’interdiction des secteurs d’activité non halal : dans l’Islam des activités sont considérées comme interdites (haram), comme les casinos, l’alcool, l’industrie porcine, la pornographie,…
- L’adossement des financements islamiques à des actifs réels : toute transaction doit être adossée à un actif réel. Toute transaction doit donc reposer sur une activité économique réelle, ce qui limite le champ de la spéculation.
- La purification des revenus : la Zakat, troisième pillier de l’Islam. Pour les revenus générés sur une certaine période et qui dépasse un certain seuil (Nissab), il faudra prélever une somme qui sera reversée aux indigents (la Zakat fera l’objet d’un article complet afin d’en expliquer toutes les subtilités). Une autre purification intervient lorsque l’on ne peut pas éviter l’interaction avec des revenus issus d’activités prohibées par l’Islam (ex : une compagnie aérienne vend de l’alcool lors des trajets, il faudra les purifier en les reversant à une cause charitable).
La finance islamique impose un certain nombre de règles qui peuvent paraître contraignantes mais qui auraient pu éviter ou au moins atténuer les effets d’une crise telle que nous l’avons vécu en 2008. Cette finance issue de textes sacrés islamiques s’adresse aux musulmans mais n’exclu pas toutes les autres personnes puisque ses principes sont applicables à tous. Pour ne reprendre que l’interdiction de l’intérêt, Aristote et l’Eglise chrétienne le condamnaient bien avant l’Islam. Si la finance islamique est un outil issu d’une religion, elle est également destinée à améliorer le bien être et l’existence de tous.